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Thierry Le Gall
Ingénieur de formation, spécialisé en informatique et électronique. Il a bâti une carrière diversifiée dans le domaine de l’informatique embarquée, en se concentrant sur des fonctions commerciales et marketing. Ces dernières années, il s'est orienté vers des solutions liées à la sûreté et à la sécurité.
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Passionné d’automobile, il a fondé en 2022 la plateforme numérique Automobile Museums. Cette initiative, dédiée aux collections et musées automobiles à travers le monde, inclut un site web, un blog, une newsletter mensuelle pour les amateurs d'automobiles et d'histoire.
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Découvrez ses réponses !

Selon vous, quelle a été l’innovation technique la plus marquante de l’histoire du rallye,
et pourquoi ?​
Il y a eu tellement d’innovations, qu’il est difficile d’en choisir une. D’autant que souvent, ces solutions existaient déjà, mais n'étaient pas mises en œuvre sur les voitures de rallye. C'est le cas par exemple des 4 roues motrices ou du turbo, qui ont profondément modifié le rallye et les voitures, mais ne constituaient pas des innovations à proprement parler. Ceci dit, s'il faut en retenir une, je choisirais la transmission intégrale (4 roues motrices), inaugurée par Audi en rallye sur ces fameuses Audi Quattro. Après l'introduction de la transmission intégrale par Audi, pratiquement toutes les voitures de rallye, en tout cas dans les catégories les plus élevées, en sont équipées. Si quelques propulsions ont encore pu gagner quelques épreuves sur route, sur les terrains plus difficiles comme la terre, la boue, la neige, la transmission intégrale s'est imposée comme La solution. Mais ceci a aussi eu des conséquences sur la voiture de tous les jours, la transmission intégrale devenant une solution permettant de faire passer la puissance en toute sécurité, alors qu'elle était jusque-là réservée à des voitures devant affronter des conditions difficiles, par exemple la neige en montagne ou aux 4x4 de franchissement genre Land Rover. Après Aussi, BMW, Mercedes ont emboîté le pas, puis de nombreux autres constructeurs de voitures puissantes.
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Quelle est, selon vous, l’importance des contributions françaises au rallye, notamment avec des marques comme Peugeot et Citroën ?
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Effectivement, au travers de Peugeot et Citroën, les marques françaises ont apporté une contribution importante au monde du rallye dans la période récente. Mais il ne faut pas négliger leur apport dès les années 1950/60 avec la DS sur les rallyes routiers, puis avec les 404 et 504 (Peugeot), DS, SM et CX sur les rallyes africains, Alpine qui a été un acteur majeur dans les années 1960/70. Alpine a été le premier champion du monde des constructeurs en rallye. Sans oublier Renault avec la R5 Turbo. Si on regarde l’histoire des rallyes depuis les années 1950, la France est le seul pays qui a pratiquement toujours été représenté dans les rallyes, par ses marques et ses pilotes. Avec des périodes plus ou moins fastes, de manière plus ou moins significative, mais jamais absente.
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Pensez-vous que la domination de Sébastien Loeb avec Citroën a eu un impact durable sur le développement technologique dans le rallye ?
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Non, je ne pense pas que cette domination ait eu un impact sur le plan technologique. Sébastien Loeb a sans doute apporté une vision très professionnelle de son engagement, un style qui a sûrement influencé les générations suivantes. Il a probablement été aussi le premier pilote de rallye à être aussi connu dans la compétition automobile, et bien au-delà du monde de la course, voire de l’automobile. Mais on ne peut pas parler d’un impact technologique.
Selon vous, quel pays a eu le plus d’impact sur l’évolution du rallye : la France ou l’Italie ? Pourquoi ?
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Je dirais la France par la continuité de l’engagement de ses marques et ses pilotes en rallye depuis les années 50. L’Italie a connu des années glorieuses avec Lancia surtout, un peu Fiat ensuite. Le pays a aussi eu plusieurs pilotes célèbres sur le plan international, notamment Sandro Munari et Miki Biasion, tous deux champions du monde, mais la densité de pilotes au niveau international me semble beaucoup plus importante côté Français. Si les Français comme les Italiens ont longtemps été considérés comme des pilotes « asphaltes », les français ont su sortir de ce schéma plus que les Italiens, et gagner sur tous les terrains. Sur le plan de l’impact technique, la France en a sans doute eu plus, par la présence plus importante dans la durée de ces constructeurs.
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Quels sont, selon vous, les grands défis d’innovation pour le rallye aujourd’hui ?
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Plus que sur le plan technique, je pense que la difficulté actuelle du rallye est de créer un spectacle qui réponde aux attentes du public actuel. Si on compare avec d’autres disciplines, la F1 a réussi à devenir un show mondial, et de nombreux pays se battent pour accueillir un Grand Prix. La série Netflix Drive to Survive a par exemple permis d’attirer un nouveau public en jouant sur la dramaturgie autour du sport lui-même, quitte parfois à tordre ou déformer la réalité. En endurance, les organisateurs ont fini par trouver une formule qui attire de nombreux constructeurs, rendant les courses indécises, et donc attirantes pour le public. A mon sens, c’est le challenge pour les rallyes, plus que l’électrification ou l’hybridation qui n’apporteront pas la visibilité par la technologie.
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L’électrification pourrait-elle transformer le rallye, et comment ?
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J’ai personnellement des doutes sur l’électrification de l’automobile en général. Je ne pense pas que le tout électrique tel qu’il se projette actuellement soit véritablement une solution pérenne. Il reste énormément de problèmes techniques, logistiques, industriels… à résoudre de façon satisfaisante. Alors en compétition… L’hybridation a été tentée en rallye, mais ça n’a pas été un succès. La FIA a annoncé un nouveau règlement pour 2027 qui devrait permettre l'introduction en rallye de différents types de motorisation : thermique classique, hybride ou 100% électrique. Toutefois, on ne connaît pas à ce jour comment les équivalences pourraient être mises en place de manière équitable. Sans compter l'infrastructure nécessaire pour pouvoir recharger rapidement des batteries après des spéciales de quelques dizaines de kilomètres. Ce qui a pu être fait en monoplace avec la Formula E est un peu plus complexe en rallye où les spéciales peuvent se terminer n'importe où dans la campagne. D'ailleurs en monoplace, on voit la Formula E « cohabiter » avec la Formule 1, mais ce sont 2 mondes assez séparés. Il existe aujourd’hui quelques épreuves réservées aux voitures électriques, mais il s’agit plus de jouer sur l’autonomie et la régularité que la performance. Peut-être que dans un premier temps des rallyes vraiment sportifs, dédiés aux voitures électriques, pourraient se dérouler dans des environnements différents des rallyes actuels (distance plus faible, parcours plus resserré pour permettre la recharge...
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Les nouvelles technologies comme les systèmes d’aide à la conduite ou l’intelligence artificielle ont-elles leur place dans le rallye ?​
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​Tout dépend de ce qu’on appelle « aides à la conduite ». Pour les voitures de tous les jours, il s’agit surtout d’apporter un surcroît de sécurité (ABS, ESP, radars embarqués, régulateur de vitesse…). En rallye, des éléments comme les boites séquentielles ou les différentiels pilotés par exemple, pourraient être classés en systèmes d’aide à la conduite, puisqu’ils aident le pilote dans la maîtrise de la voiture. Le rallye reste une épreuve de pilotage extrême, donc le pilote doit conserver une grande latitude. Pour ce qui est de l’IA, je reprendrai une citation de Cédric Villani (sans être certain qu’il en soit à l’origine) : l’IA est un développement logiciel qui n’a pas encore trouvé son application finale. Par exemple, les systèmes de navigation, les traducteurs automatiques, les simulateurs de conduite ou les moteurs de recherche sont des IA. Donc l’IA est déjà présente dans les outils de conception, dans les analyses de données en test et en course. Et elle continuera à s’intégrer avec la croissance continue de l’électronique et du logiciel dans les voitures.
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Pensez-vous que les rallyes actuels mettent suffisamment en avant l’innovation, ou est-ce devenu un sport plus conservateur ?
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​Actuellement, les rallyes ont du mal à se développer et à attirer de nouveaux publics. La notion de spectacle est devenue essentielle, et c’est un peu plus compliqué pour les épreuves routières de diffuser du spectacle concentré, comme c’est le cas en Formule 1 par exemple. Donc le rallye se cherche à tous les niveaux, technique, réglementaire, format des épreuves, pour essayer de trouver la solution qui fasse venir des constructeurs en nombre, donc des pilotes, du spectacle et du suspense. Je ne crois pas qu’on puisse dire que le rallye soit devenu conservateur, mais la discipline a du mal à trouver la bonne formule pour se développer.
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Pourquoi, selon vous, la France et l’Italie ont-elles autant marqué l’histoire du rallye ?
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​Certainement une tradition forte d’épreuves routières depuis très longtemps, et la possibilité pour les constructeurs de briller dans des épreuves sportives plus adaptées à leurs modèles souvent moins puissants par exemple ceux des constructeurs allemands. Les constructeurs locaux étant très présents en rallye, cela crée des opportunités pour les pilotes locaux, et la possibilité de se faire remarquer et d’entamer une carrière, avec des budgets d’entrée plus faibles. Si on regarde bien, il y a finalement peu de pays ayant une industrie automobile significative qui permette ce type de développement. Le Japon a aussi une industrie automobile importante, et est très présent en rallye, mais ses pilotes ont plus de difficultés à percer sur la scène internationale, réduisant l’influence globale du Japon.​​​​​​​​​​
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Entretien réalisé le 27 Décembre 2024